Héroïne

Le terme d’"héroïne" apparaît en 1540 sous la plume de Ronsard pour désigner une femme d’un grand courage, qui fait preuve de "force d’âme".Et, si l'Académie française définit le mot "héroïne" dès sa première édition en 1694, nous sommes loin d'une simple féminisation des caractéristiques du héros telles que nous avons pu les esquisser dans un autre articulet.

Déjà, aucune héroïne n'a vraiment eu une épopée à la hauteur de celle d'un Gilgamesh ou d'une Odyssée, elles ne rentrent même au Panthéon qu'au compte-goutte (quatre femmes : deux scientifiques - Marie Curie et Sophie Berthelot, en tant qu'épouse de Marcellin Berthelot - et deux résistantes bientôt - Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz).

Histoire de l'héroïne

Quelques héroïnes ont émergé dans l'Antiquité: Atalante en étant une des principales dans la mythologie grecque. En analysant Homère, notamment, la typologie antique des héroïnes (que Homère ne nomme pas comme telles mais appelle "les meilleures") comprend trois catégories[1]: les femmes liées aux héros (femme, soeur ou fille de héros), l'héroïne indépendante souvent en marge de sa famille (Antigone), vierge qui se sacrifie pour sa communauté, ou l'Amazone mais qui elle est perçue avec un côté destructeur, voire même symbole d'une certaine barbarie, anti-femme, ni épouse, ni mère.

On le voit déjà, à part le dernier modèle, nous sommes loin du héros guerrier, chef politique, sauveur de la cité par son courage. Avec le Moyen-Age, l'image de la femme "héroïne" va plus encore tendre vers la sainte, vierge, pacifique même si le terme de preuse existera. Une exception notoire: Jeanne d'Arc, héroïne chevaleresque, guerrière qui prendra un statut de héroïne nationale aux XIXème et XXème siècle en France. Jeanne d'Arc, réunit beaucoup des caractéristiques que nous avons relevées pour les héros masculins: occultation de l'enfance, présage/révélation de son rôle, chef de guerre, sauveuse de la nation, sainte, historicisée, jeune, ...

Dans la littérature, à partir du Moyen Age et par rapport au rôle du héros, la femme prendra essentiellement trois rôles.

- Elle est celle qui égare le héros de sa quête, qui l'attire ou qui l'ensorcelle (Circé dans l'Odyssée, Didon pour Enée, les femmes de James Bond, ...) ou simplement le repos du guerrier (Pénélope, Médée, Ariane dans Phèdre de Racine).

- La femme peut aussi être celle qui initie la quête du héros (telle une Guenièvre pour Lancelot ou Chimène pour Rodrigue dans Le Cid de Corneille) mais ici une petite précision s'impose. Dans les romans de l'amour courtois, cette femme est souvent supérieure à l'homme (en terme de classe sociale). Guenièvre est la reine de Lancelot, c'est sa "Dame", sa suzeraine et, le pendant de ceci est que les interdits sociaux sont transgressé (sublimés ?): la femme devient maîtresse du héros (Guenièvre encore), "cocufiant" sont mari (le roi Arthur), voire se donne volontiers à un meurtrier (Chimène, Périgouné dans le Thésée de Plutarque)[2].

- La dernière image de l'héroïne médiévale est celle de la sagesse vers laquelle se retourne le héros.

Si héroïne il y a, ce statut semble incompatible jusqu'à très récemment avec le rôle traditionnel de femme (femme, épouse et mère). L'héroïne est le plus souvent vierge ou, comme Atalante, perd son statut d'héroïne par le mariage ou anti-femme, comme le Amazones qui se mutilent un sein, symbole de féminité s'il en est, ne se marient pas, etc.

Au XXème siècle, quelques héroïnes vont apparaître encore, dans le sillage des hommes et dans le même nouveau rôle de héros qu'eux: ouvrières (Louise Michel, la "vierge rouge"), exploratrices, aventurières (Amelia Earhart, Diane Fossey ou Jane Goodall), héroïnes humanitaires (mère Teresa, soeur Emmanuelle, Geneviève de Galard, infirmière à Dîen Bîen Phu), résistantes (Danielle Casanova, Lucie Aubrac pour ne citer qu'elles), ...

Sportives et Pop Star féminine n'ont pas vraiment connu l'engouement de leurs homologues masculins qui a été jusqu'à une sorte de culte.

Par contre signalons une catégorie d'héroïnes spécifique au femmes: les féministes ou plus simplement celles qui ont défendu les droits des femmes avec notamment Olympe de Gouges, les suffragettes et autre Simone de Beauvoir.

Précisons ici, que souvent, à partir des Temps Modernes, le statut d'héroïne est lié à un rôle reconnu "classique" de la femme: Sophie Berthelot est au Panthéon en tant qu'épouse de Marcellin Berthelot, l'histoire de Lucie Aubrac est liée à celle de son mari,...

L'héroïsme, au sens commun et public du terme, reste donc une notion très masculine et, la culture populaire n'y change pas grand chose... Bien sûr, il y a 2 ou 3 super-héroïne chez Marvel, quelques héroïnes de bande-dessinées bien implantées, quelques héroïnes de films et de jeu vidéo... Mais elles restent une minorité... Le principe de la schtroumpfette (dont nous reparlerons !)

---

[1] voir Sylvie ROUGIER-BLANC, Héroïsme au féminin chez Homère dans Clio, Histoire, Femmes et Société n°30, 2009, p.17.

[2] Sur le sujet voir l'intéressant article sur l'amour courtois de Yasmine Assaf, La séduction au Moyen âge : l'amour courtois